BRUNO PINCHARD Cours de philosophie en ligne 


"Loin d’être le gage d’une pensée désireuse de vérité, la pensée fixée est une mécanique répétitive, incapable, non seulement de suivre l’élan de la vie,mais la multiplicité des voies que l’événement ne cesse de tracer au-devant de ses intentions.
Une pensée vivante, en revanche, est une pensée qui ne cesse de s’écarter de son origine pour acquérir le degré de multiplicité concevable pour faire face au rythme du temps et de l’espace. Une pensée vraie à son tour, est une pensée dont le rythme de division est en phase avec les ruptures du monde. Une pensée absolue est une pensée aussi vibrante que le continuum primordial qui enveloppe l’événement du monde." Bruno Pinchard, Méditations mythologiques, 2001
 
DERNIER LIVRE:  

B. Pinchard, Marx à rebours, Éd. Kimé, Paris 2014, pp. 204


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« Marx à rebours » : Quand Bruno Pinchard restitue la profondeur morphologique à l’intelligence du marxisme

Clément Morier, Univ. Lyon 3           

 
  1. La forme et son substrat :Comment les objets en évolution tiennent ensemble?
Nous prendrons dans ce commentaire un angle de lecture spécifique pour présenter le dernier ouvrage de Bruno Pinchard, Marx à rebours[1] : Partir ainsi d’une compréhension des formes pour restituer un Marx morphologue ne nous semble pas trahir la lecture de Bruno Pinchard, mais davantage retracer un des aspects les plus novateurs de son exégèse.

D’un point de vue scientifique, l’étude des formes vise à substituer la notion de stabilité à celle de cause, notion moderne et infinie selon Péguy, raillant alors la science historique de son temps. Il s’agit de remplacer la catégorie de cause – c'est-à-dire pour le marxisme traditionnel, le conflit de classe compris comme moteur causal de l’évolution du capitalisme vers sa contradiction implosive – par une observation morphologique. Celle-ci se réalise de par l’adoption du point de vue finaliste, dit encore énergétiste, visant à déceler dans un objet en évolution les mécanismes par lesquels s’effectue la recherche permanente de sa stabilité et de son maintien, par l’augmentation de son potentiel réactionnel pour lutter contre les perturbations entropiques.

Après avoir posé ce cadre liminaire nous permettant d’extraire l’originalité de cette lecture du Capital par Bruno Pinchard, qui se place lui-même sous l’égide de René Thom dès la première page de son avant-propos (p. 9), entrons dans le mécanisme réel exposé dans le livre.
Ainsi, l’observation peut se faire morphologique quand survient la description du processus dynamique, d’aucuns préciseront dialectique, de régulation ou de maintien de cette stabilité : il s’agit de l’examen, dans la droite ligne goethéenne, du pouvoir de structuration ou pouvoir de formation interne aux objets en évolution, dont la logique hégélienne sert ici de schéma explicatif[2]. L’aristotélisme de René Thom, tout comme le Capital de Karl Marx, est lui aussi pris à rebours par l’intelligibilité renouvelée procurée par un hégélianisme morphologique. C’est nous semble-t-il une des facettes majeures sous-jacentes au programme philosophique de Bruno Pinchard, dont les deux derniers ouvrages en date nous fournissent une attestation infaillible[3].

Par le fait même de poser en premier lieu l’existence objective des formes finies, formes ayant le souci de préserver la stabilité de leurs limites, et dont la démonstration mathématique de ce principe éminemment dynamique constitue le cœur de la géométrie thomienne, cette relecture à rebours de Marx peut disposer du concept d’infini comme son principe éclairant (p. 99-100). Disons le sans détour de formulation tant la thèse pénètre et scelle progressivement ses assises tout au long du livre : L’infini « de production en vue de la circulation » (p. 11) propre au travail interne du capital mène à la destruction de la « puissance objectivante » (ibid.) de toute forme dont seul l’aspect fini est structurant.

Cette relecture tente de dégager l’aristotélisme de Marx sous des couches successives de militantisme révolutionnaire et de dizaine de thèses sur Feuerbach dans lesquelles la mise en forme idéelle du monde comme puissance objectivante au sein du réel est remplacée par la praxis transformante, seul critère d’objectivité valide en modernité. Cet aristotélisme sondé permet de proposer un Marx penseur du substrat bien avant d’être un Marx penseur de la contradiction (note 9, p. 52), vérité première posant ainsi le principe de ce sans quoi la seconde demeure sans assise.

Expliquons cela. La forme substantielle se développe continument selon, peut être, oui, des conflits, qui l’entrainent effectivement vers d’autres seuils de stabilité au moyen d’épisodes de métamorphose. Mais ce développement ne peut se comprendre sans caractériser la forme de manière anti-platonicienne comme étant un ensemble de singularités engagé dans un substrat, qui le borde, le clos, le contient et voue le substrat, de par la plasticité de ses limites finies aux effets structurants, « à toute une série de transformations propres »[4]. La topologie de Thom classifie ces transformations par le catalogue de leur types robustes et des changements, stables eux aussi, entre types.

Ainsi donc, le mécanisme de la contradiction, une fois seulement le caractère substratique du milieu posé, permet d’en arracher par un processus morphologique toutes les sensibilités rétractiles et pulsatiles encore empêtrées. C’est bien ce substrat que le mécanisme de la contradiction réorganise structuralement et fonctionnellement quand éclate brusquement et au grand jour la négativité promue jusqu’ici progressivement : on aura reconnu, dans un langage propre à la philosophie, la définition d’une catastrophe au sens mathématique du terme[5].
  1. Le Capital relu comme processus mythologique
Pour Bruno Pinchard, l’infini et le fini se mêlent dialectiquement dans un mythe tel un creuset opérant leur articulation. D’où l’urgence toute sorélienne de déceler un « Marx mythologique » (selon le titre du chapitre II) afin d’y produire l’extraction de la « puissance structurante » (p. 33) à l’œuvre dans le mécanisme du Capital selon sa double acception de livre et de processus, à savoir le mythe de l’or[6].

Relevons afin d’éclaircir cet outil théorique que pour l’auteur, « la puissance des mythes que j’invoque est structurante. J’appelle mythe chez Marx la capacité d’une illusion à se faire centre de toute manifestation. Marx a un autre nom pour dire ce mythe, c’est fétichisme » (p. 33). Plus loin, « Une lecture mythologique cherche à déterminer les mythes qui structurent un discours rationnel au delà des raisons qu’il avance. […] Le Capital est d’abord une arborescence mythologique. Il accompagne le mouvement d’une prise de conscience […] Cette production d’une conscience à partir d’une structure […] appartient à l’idée même du mythe, qui est toujours un fait de langage qui engendre son sujet » (p. 35-36).

Comme une illustration de ses « Méditations mythologiques » antérieures[7], Bruno Pinchard distingue dans l’œuvre de Marx une opération de structuration mythologique / morphologique dont l’organisation dynamique et proprement dialectique produit à elle-même son moment noétique : le Capital prend conscience de lui-même (p. 36). Il requiert, pour l’intelligence de ses mécanismes, une dimension métaphysique[8] au-delà de toute analyse sociologique reflétée dans les indicateurs de l’enquête et le vocabulaire spécifique de ce traité d’économie politique. Ne nous y trompons pas. Le Capital devient une « puissance sociale » (p. 37, p. 39) par une prise de conscience qui est « un processus d’auto-réflexion » : « le mythe est une structure qui se fait conscience. Et comment se fait-elle conscience ? Parce qu’elle est le tout » (p. 37).

Le Capital requiert un effort pour se souvenir de l’idéalisme hégélien et du Savoir Absolu (p. 39) au-delà du matérialisme des forces de production. Ces dernières forment un système, mieux une totalité, apte à produire une conscience par le truchement d’un mythe opérateur dans le processus du Capital. Cette opération issue de la catégorie de la « totalité » couplée à celle du mythe rend futile et inappropriée la recherche « à l’extérieur du processus capitaliste des figures de la subjectivation. L’immanence produit sa conscience » (p. 38).

Survient alors une difficulté posée par l’auteur lui-même à son interprétation : « Comment un processus matériel ou un rapport de production comme le capitalisme peut-il se sublimer en une conscience ? Comment un antagonisme social peut il devenir sujet ? Comment des contradictions socio-économiques sont elles des moments d’un procès immanent de subjectivation ? » (p. 38)

Cependant, la distinction d’avec Marx et même d’avec Hegel formulée par Bruno Pinchard, où l’auteur marque son originalité propre, réside dans l’apport du mythe. Il se comporte comme un dispositif conceptuel, à l’instar des enseignements issus d’une étude lévi-straussienne sur les masques mentionnée comme en passant (p. 50), où ces derniers sont les reflets d’une structure fonctionnant à l’écart positionnel et devenant par là organisatrice de l’anthropogenèse. Telle encore une société debordienne spectacle d’elle-même de part en part n’admettant pas même de « spectateur émancipé » envisageable[9].

Le mythe enserre et totalise en un processus la réalité objectale, matérielle, et sa représentation subjective ou son moment idéaliste, dans une même structuration morphologique[10] : « le mythe qui transforme un système en conscience » (p. 38) est cette « structure organisatrice que Marx n’a su nommer que puissance sociale et qui ne peut être arrêtée à l’opposition du vrai et du faux, du réel et de l’imaginaire, de l’idéalisme et du réalisme, parce qu’elle est avant tout une dynamique de transformation de soi et intègre toutes les positions partielles comme ses moments » (p. 48).

Cette structuration morphologique a ses lois et sa dynamique de développement interne, dont les « Méditations mythologiques » exposaient le fonctionnement dés 2002. Cette étude préalable mais nécessaire nous semble-t-il à la compréhension de son Marx à rebours, pouvait bien être un viatique pour les derniers jours de René Thom décédé peu après la parution. Il reste qu’elle est pour nous un point de départ vers la réhabilitation d’une intelligence morphologique, tant des grandes œuvres philosophiques dont ce Marx à rebours illustre parfaitement la possibilité féconde, que des concepts opératoires dans les Humanités. Ainsi, « Marx n’est lui-même que lorsqu’il parle la langue du naturaliste » (p. 74).
  1. « Totalité en marche »
« L’économie mythique du régime de production capitaliste » (p. 36), basée sur le fétichisme de l’or, toute interne au procès sans sujet du Capital, repose néanmoins sur un enchainement précis lui permettant de s’articuler en structure. Seule une découpe bien particulière du chainon formé par le couple « marchandise / argent » produit le démembrement décisif à même d’extraire de cette transcendance impersonnelle une séquence locale déterminante pour sa constitution en totalité globale[11]. « L’argent est l’agent de la dépersonnalisation. C’est par l’argent que la volonté des individus devient structure. C’est par l’argent que le procès, qui rassemble en lui tous les sujets, se fait sans sujet » (p.90).

Il en va de la structure organisatrice de ce qu’Aristote nommait déjà en son temps la « chrématistique » dont, et c’est le propre de cette étude sur Marx, la circularité infinie montre le visage de l’Absolu hégélien sous son vrai jour : la destruction (p. 85) de toutes les différenciations qualitatives par lesquelles les formes humaines et naturelles, créent et maintiennent un monde.

« Capitalisme et terreur » (titre du chapitre IX) marchent ensemble dès lors que les « totalités matérielles » s’entendent d’emblée comme des « totalités religieuses » (couple formant le titre du chapitre V) ensorcelantes et animant le mécanisme idolâtrique de l’intérieur au moyen du fétiche argent (p. 86-89, p. 114-116).
Pour restituer « l’unité du processus » (p. 87), Bruno Pinchard radicalise grâce à Hegel le dualisme de l’esprit du capitalisme wéberien : « Il n’y a pas d’un côté un idéal-type et de l’autre le capitalisme. Mais ce dernier est une machine qui produit, de façon immanente et permanente, de la croyance et des biens, de l’adulation et des richesses. Cette totalité en marche est la découverte de Marx » (p. 87). Si totalité infinie de circulation il y a, c’est, à rebours cette fois du schéma utilitariste de l’économie politique bourgeoise et libérale, par le repérage de la séquence A-M-A visible en filigrane dans la séquence traditionnelle M-A-M[12]. Marx qualifie le procès devenu autonome de substance automatique : « l’argent veut l’argent » (p. 92).

Rien n’essouffle cette infinitisation circulaire du monde humain (p. 99-100) dont la marchandise est pour le capitaliste l’intermédiaire à dépasser par l’Aufhebung idoine (p. 117 et notes 4 et 7 p. 127). Pourtant insigne expression du travail par lequel l’homme se réalise (voir les pages sur l’humanisme chez Marx tout droit issu de la Renaissance, p. 102-105), toute marchandise est enserrée par le mécanisme de la plus-value (p. 94) et absorbée par l’argent, lui le grand dénégateur des différences au moyen de leur fluidification dans un monisme substantiel à l’ombre spinoziste (p. 108-109) : « Tous les évènements sont des lignes de causalité nécessaires, unifiées et imperturbables. […] cette substance unique court à son auto-destruction et [qu’] elle n’ingère ses différences que pour les soumettre à leur propre abolition. Le marxisme est un spinozisme noir, où les conatus se perdent dans leur cause » (p. 108).
  1. Marx : doublement morphologique ?
Pourquoi doublement ? Une première fois : il dénonce l’infini destructeur des formes finies, stables sur des niveaux d’organisation hiérarchiquement inférieurs[13]. Une seconde fois : en redonnant une forme à cet infini lui-même. Selon nous, cette forme retrouvée n’est autre que celle fournie par l’avènement du communisme. Cette nouvelle puissance d’intégration sociale et Aufhebung morphologique vrai (par intégration libératrice) « sursume » les Aufhebung seulement destructrices du capitalisme (par abolition)… Aufhebung des Aufhebung donc.

Mais ne rate-il pas ce second moment ? Ou bien, la question serait de savoir s’il n’est pas trop rapide, ou trop pressé d’en reconnaitre les signes au sein même d’un matérialisme historique[14]. Ne serait-il pas d’abord souhaitable d’interroger ces indices de transformation au rang des possibilités scientifiques disponibles pour en montrer la teneur, et par la suite seulement la réalité ?[15] Il s’agirait au préalable d’en travailler et d’en imposer la formulation par une tentative d’axiomatisation au plan heuristique, dans l’optique d’en dresser les contours et d’en rendre observable le fonctionnement, celui des métamorphoses et procès de transformation. Ensuite seulement, il devient plausible mais non déterminé, d’entrevoir une suite morphologique à un système auquel nous sommes contraints de reconnaitre pour l’heure le caractère auto-régulé et donc possiblement définitif, ce que les analyses du Capital ont bien montré.

Une des hypothèses de cet échec, à formuler dans l’ordre théorique non dans celui de la praxis politique, et insuffisamment sondée peut être, pourrait être la suivante : il raterait ce second moment faute d’une conception encore trop peu morphologique et non quantitative pourtant pas moins douée d’une puissance explicative et d’intelligibilité suffisamment opératoire pour se faire cet organon à même de restituer les propriétés des formes dynamiques en développement – et le communisme se voulait le fruit de telles transformations évolutives – formes ne souffrant toutefois aucune prédictibilité contrôlable[16]. Propre des lois physiques de la mécanique newtonienne, la quantification fournit une prédictibilité par les instruments de la mathématique, à condition de posséder la métrique et le nombre des dimensions de l’espace où s’effectue le mouvement : si l’on postule un marxisme à teneur scientifique, quelle métrique utiliser pour l’espace humain-social ? Son volume reste-il seulement constant ?et sa courbure ?

Seconde difficulté : le temps galiléen se fonde sur un intervalle régulier numériquement mesurable, la durée, permettant d’anticiper par une fonction la trajectoire de la chute d’un mobile. Par la cartographie de tous les points d’un espace, sans vitalité interne et dont nous contrôlons les paramètres de liaison, le concept de fonction inaugure et autorise une physique mathématisable, base du tournant Galileo-newtonien. Or, dans cet outil numérique propre à la physique des modernes, où est passée la phusis, le fonctionnement vivant pulsatil, successivement diastolique et systolique comme le plaidait Goethe le naturaliste, fait de génération et de corruption ?

Tout déploiement morphologique - même dépeint au travers du socialisme !-, suppose une capacité d’évolution qui dépend d’un potentiel. Lors du traitement de ce potentiel énergétique, cette évolution peut connaitre des périodes de durée distinctes, non régulières, lisibles comme des rétractions plastiques d’un espace métabolique : des structurations progressives, des bifurcations instantanées signes de régulation, des désorganisations temporaires par relaxation structurale locale, des métabolisations longues et même des sursauts de survie. La capacité d’évolution dépend ainsi d’un potentiel dont l’actualisation dans le temps, l’évolution proprement dite, est bien relative par rapport à la durée[17]. Le temps propre des étapes d’une transformation n’est pas la durée galiléenne, paramètre dont les dernières avancées scientifiques se passent d’ailleurs volontiers. Marx ne produit pas de distinction et applique une loi physique à un fonctionnement humain-social éminemment morphologique.

Bref, « Marx connait un moment d’ivresse en faisant basculer un projet philosophique en projet scientifique. L’erreur du marxisme est cette idéologie scientiste […] projet absurde de réduire la complexité humaine à une loi physique » (p. 122). Plus loin, Bruno Pinchard précise : « Pour réaliser cet idéal humain, en dépit de toute l’ontologie des modernes, il doit retourner contre la bourgeoisie l’instrument même de son pouvoir, la science déterministe. Ce sera donc la science contre la science, la cause contre la cause » (p. 124). Ou encore « Marx est victime d’un modèle cartésien et optique de la transparence [transparence triomphant dans le communisme réalisé sur le reflet religieux propre aux mécanismes du Capital]. La certitude (clarté et distinction) rend raison de toutes les propriétés occultes. Marx succombe aux illusions de la mathesis cartésienne » (p. 122).
A quand donc la réhabilitation à rebours d’une intelligibilité par les formes substantielles si décriées ? René Thom pourrait bien nous servir d’éclaireur dans cette voie… Bruno Pinchard l’a compris, s’y attèle là aussi à rebours des exégèses traditionnelles du Capital, comme en témoigne l’évocation d’une proposition finalement décisive : « Marx produit une nouvelle forme de connaissance de la nature dans la suite des grandes avancées cosmologiques de la Renaissance. A l’instar de Léonard de Vinci qui peint des tourbillons ou dessine des rochers pour chercher la loi du monde, Marx devine la morphologie des échanges sociaux dans la vie de la matière » (p. 151-152).
Références :
  • Mai Lequan (dir.), Goethe et la naturphilosophie, Klincksieck, Paris, 2011
  • Karl Marx, Le Capital, Livre premier, trad. Joseph Roy, édition établie par Maximilien Rubel, Folio, Paris, 2010
  • Bruno Pinchard, Marx à rebours, Editions Kimé, Paris, 2014
  • Bruno Pinchard, Métaphysique de la destruction, Peeters, Louvain-Paris, 2012
  • Bruno Pinchard, Philosophie à outrance, E.M.E., Bruxelles, 2010
  • Bruno Pinchard, Méditations mythologiques, Les empêcheurs de penser en rond, Paris, 2002
  • Bruno Pinchard, La raison dédoublée, La fabbrica della mente, Aubier, Paris, 1992
  • Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, la Fabrique, Paris, 2008
  • René Thom, Esquisse d’une sémiophysique : physique aristotélicienne et théorie des catastrophes, InterEditions, Dunod (2e éd.), Paris, 1988
  • Laurent Van Eynde, « Goethe et Hegel autour de l'Urphänomen » in Jean-Marie Valentin, Johann Wolfgang Goethe. L’un, l’autre et le tout, Klincksieck: Paris, 2000, p. 567-582
  • Jacques Viret, « Apparent time in biology », Acta Biotheoretica, Juin 1995, vol. 43, p. 185-193
 
[1] Bruno Pinchard, Marx à rebours, Editions Kimé, Paris, 2014.
[2] Sont mises entre parenthèse les positions, mêmes divergentes, de Laurent Van Eynde et de Bernard Bourgeois creusant toujours davantage l’écart entre méthode morphologique goethéenne et méthode dialectique hégélienne ; cf. Bernard Bourgois, Préface à Mai Lequan, Goethe et la naturphilosophie, Klincksieck, Paris, 2011 ; Laurent Van Eynde, « Goethe et Hegel autour de l'Urphänomen » in Jean-Marie Valentin, Johann Wolfgang Goethe. L’un, l’autre et le tout, Klincksieck: Paris, 2000, p. 567-582. Tous les deux marquent leur différence comme irréconciliable. L’un par le fait qu’une pensée de l’espace ne peut convenir au Concept, non spatialisé. L’autre par l’opposition sur l’appréhension de la nature tantôt directe et phénoménale, tantôt se faisant par l’intermédiaire de la médiation et de la négativité. Même si la philologie de leur correspondance manuscrite peut venir confirmer la méfiance entre les deux hommes, une autre voie d’intelligibilité conjointe semble permise. L’espace morphologique n’est pas l’espace de la représentation d’entendement mais bien un espace métabolique de fonctionnement où opère une dialectique. Par la méthode du plongement des formes dans des espaces successifs augmentant en nombre de dimensions, le pouvoir de formation interne se découvre progressivement comme un travail dialectique incessant. Il préside à toute transformation évolutive d’une réalité se médiatisant pour s’approfondir, tout en faisant se découvrir un substrat continu sous jacent à toutes les ruptures opérées par la négativité. Pour un développement plus conséquent de ce mécanisme, cf. notre publication sur le rapprochement entre Hegel et Thom, à paraître.
[3] Avant la présente étude Marx à rebours, cf. Bruno Pinchard, Métaphysique de la destruction, Peeters, Louvain-Paris, 2012.
[4] Bruno Pinchard, Philosophie à outrance : cinq essais de Métaphysique contemporaine, E.M.E., Bruxelles, 2010, p. 12.
[5] Pour en retrouver la définition, cette fois au plan mathématique, se référer à un des ouvrages de René Thom encore accessible aux non-mathématiciens : René Thom, Esquisse d’une sémiophysique : physique aristotélicienne et théorie des catastrophes, InterEditions, Dunod (2e éd.), Paris, 1988.
[6] Le mythe de l’or se fait déploiement morphologique par une motricité, ou dynamique interne, aux accents d’écoulement énergétique libidinal. Ainsi : « nous pouvons nous contenter de montrer comment le processus de l’argent résulte d’un rapport social inconscient […] Il y a manifestement dans le Capital autre chose qu’une victoire théorique sur l’économie capitaliste. Il y réside un pouvoir […] le Capital est une force » (p. 33-34) Attention toutefois à la fréquente confusion entre champ de vecteurs force (ex : la gravité) et champ de vecteurs vitesse (cette gravité active une différence entre un haut et un bas permettant à une masse munie d’une vitesse, la goutte de pluie, de s’écouler sur la surface d’une montagne par exemple : pour filer l’analogie physique, le Capital est il le champ (dit aussi le fibré) ou prégnance, sous-jacente qui permet l’écoulement dynamique, ou est il cet écoulement ? Nous penchons pour la première hypothèse, alors que la masse activée serait plutôt la marchandise).
[7] Bruno Pinchard, Méditations mythologiques, Les empêcheurs de penser en rond, Paris, 2002. Mais cette fois le mythe acquiert une véritable « puissance sociale ».
[8] La catégorie cartésienne de cause de soi, Causa sui, appliquée au Capital fournit sa dimension métaphysique à la relecture de Bruno Pinchard.
[9] Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, la Fabrique, Paris, 2008. Jacques Rancière effectue entre autre une critique de la « société du spectacle » de Guy Debord, irrecevable pour un Marx pris à rebours, tant la totalisation du capital tient captif toute tentative de trouver, à la manière aussi d’Antonio Négri, de « nouvelles formes de contestation » (note 10, p. 52) ou d’émancipation. Le Capital est bien ce masque, au sens donné plus haut et nommé par Bruno Pinchard EMPIRE, qui articule le réel et l’imaginaire dans « une dynamique de transformation de soi et intègre toutes les positions partielles comme ses moments » (p. 49). Plus loin, « l’empire est la forme par laquelle la production entre dans la forme de la représentation et la révolution, pas plus que l’exploitation, ne sont ni l’une ni l’autre séparables de ce mythe qui est sujet » (p.50).
[10] En débat avec Kant, la pensée de Bruno Pinchard réactive les enjeux de la pensée des formes de Thom : celui-ci hérite de l’aristotélisme sa compréhension du fondement, tant de toute signification que de toute réalité reflétée par une mimésis, situé non pas dans le sujet mais bien dans la forme objective qui se déploie. Nous pensons que ce point de vue se poursuit chez Hegel et sa découverte finale du tout, se posant par un cercle, comme étant déjà là au point de départ. Ce tout est processuel : « Nous ne commençons pas par la séparation kantienne entre le sujet et l’objet, mais nous partons d’un processus total – le Savoir absolu -, et par sa scission, nous recomposons les figures séparées du sujet et de l’objet » (p. 44-45). Des pages (p. 46-49) sur la reprise par Marx du module de la mimésis illustrent chez lui la continuité d’une tradition présocratique, où les processus naturels, matériels, sont réfléchis en pensée, dans les deux sens du verbe, pour se faire avec Spinoza modes d’une substance qui les totalise avant même leur articulation, ou plutôt qui en autorise par là la mimésis : « La connaissance humaine se caractériserait par la capacité d’IMITER, par une faculté de reproduire dans l’esprit ce qui est à l’extérieur. La connaissance est ainsi définie chez Démocrite et Empédocle par imitation du même par le même. […] Quand Derrida, et la gauche française, soutiennent que la lutte anti-capitaliste, c’est la différence, ils deviennent assez divertissant car Marx soutient précisément l’inverse. Pour lui la science du capital, c’est la mimésis. Toutes les pensées de l’autre, de la différence, de l’écart sont à l’envers de la totalité et du modèle adéquatif de la vérité selon Marx. […] La « différance » n’est jamais que l’ultime clin d’œil du libéralisme » (p. 48). Nous retrouvons là encore le thème de la différence ou négativité à plonger dans un espace substratique plus grand afin d’y déceler un pouvoir de motricité, d’emblée engagé dans ses plis.
[11] Faisons remarquer que la « Transcendance démembrée » fournit à Bruno Pinchard le thème inaugural de son dialogue avec René Thom où ce dernier exprime la possible saisie du niveau d’organisation global d’un objet par emboitement de ramifications locales préalablement démembrées. Cf. René Thom, « La transcendance démembrée », postface à l’ouvrage de Bruno Pinchard, La raison dédoublée, La fabbrica della mente, Aubier, Paris, 1992, p. 575-610.
[12] Deux séquences : A-M-A : Argent-Marchandise-Argent et M-A-M : Marchandise-Argent-Marchandise, « l’homme allant au marché pour vendre une marchandise et s’en acheter une autre avec le produit de cette vente. C’est le trajet M-A-M : on passe de la marchandise, à l’argent, et de l’argent à la marchandise. Le second, plus mystérieux, A-M-A, c’est celui de qui part de l’argent et n’use de la marchandise que pour faire de l’argent. […] Soit une certaine somme d’argent, avec laquelle on achète des biens pour les revendre à un prix plus élevé, ou pour s’équiper d’une machine : celle-ci élaborera la matière première acquise dans le premier échange et fera gagner de l’argent lors de la revente. Cette structure fonde conceptuellement le capitalisme. […] on part de l’argent pour revenir à l’argent. L’argent se fond dans l’argent. Le même produit est au départ et à la fin. Il y a perte de la détermination qualitative de l’objet de départ et d’arrivée. C’est parce que A=A qu’il peut s’engager dans une circulation qui annule toute différence. Ce processus de fonte ou d’annulation des différences est à la base de l’impersonnalité du capital » (p. 90-92).
[13] Bruno Pinchard note dans ce sillage : « Le Capitalisme a ce trait de reposer sur des structures abstraites qui seules peuvent mener à bien son œuvre de désubstantialisation ou de déréalisation de tous les fondements. Le Capital est la substance qui transforme en formalisme, en fonctionnalisme, en constructivisme toutes les autres substances » (p. 186).
[14] L’auteur poursuit : « Et c’est Marx, concepteur sans prédécesseur connu de ce processus, qui a cru trouver un point de vue extérieur, lui-même fictif, pour échapper à la loi de sa propre totalité pensée et historiquement vérifiée » (Ibid.).
[15] La déflagration qui sourd des sciences modernes est profonde et le déni de la substance le propre de tous ces relativismes, constructivismes et formalismes aujourd’hui sommets de toute philosophie sérieuse. Il reste que cette étude nous montre combien ils sont enfants du capitalisme déréalisant, dont c’est précisément le caractère propre et dont le maintien dépend directement de cette désubstantialisation.
[16] Certaines lignes de Marx raisonnent avec une compréhension topologique (Karl Marx, Le Capital, Livre premier, trad. Joseph Roy, édition établie par Maximilien Rubel, Folio, Paris, 2010, p.281, cité p.161. Cf. également p. 159) Cependant, l’argent finira par diluer les limites structurantes des formes, donc les contraintes morphologiques. Les formes se définissent dans la langue moderne de René Thom, les prémisses s’engageant dès la physique d’Aristote, comme des systèmes de discontinuités qualitatives organisatrices engagées dans des substrats. La limite et le substrat sont les grandes victimes des mécanismes du capital.
[17] Ce développement sur le temps manque la précision que lui fournit légitimement celui qui en est l’initiateur, Jacques Viret. Pour une première approche, cf. Jacques Viret et sa notion de « temps évolutif ». Jacques Viret, « Apparent time in biology », Acta Biotheoretica, Juin 1995, vol. 43, p. 185-193.


Compte rendu du livre Marx à rebours ( en italien)
Luigi Francesco Clemente, Urbino
 


   Marx à rebours – ultimo capitolo della trilogia iniziata con Philosophie à outrance (E.M.E., Bruxelles 2010) e proseguita con Métaphysique de la destruction (Peeters, Leuven 2012) – si inscrive nella più recente produzione teoretica di Bruno Pinchard, orientata all'articolazione di un pensiero metafisico capace di comprendere il mondo globalizzato contemporaneo, analogamente a quanto tentato da Martin Heidegger con la sua Lettera sull'umanismo al tempo della bomba atomica.
   Sennonché, secondo Pinchard, il pensiero heideggeriano testimonierebbe di un'epoca che non ci appartiene più, dal momento che, oggi, la questione della tecnica, lungi dall'inscriversi nella prospettiva della finitudine e della fuga degli dei, appare soppiantata dall'allargamento del mercato a tutto il globo, nel segno di un infinito che, lungi dal coincidere con una realtà perfetta e immutabile, appare piuttosto come un «un infini de production en vue de la circulation» (p.11), o – per dirla con la formula di Philosophie à outrance – «comme un pouvoir sans nom qui se confond avec l'effacement des formes et des limites dans la transformation planétaire des échanges» (p.9).
   Ecco perché Pinchard ritiene di dover rovesciare il progetto filosofico heideggeriano: mentre per Heidegger si tratta di distruggere la metafisica per aprire il pensiero a un nuovo inizio, per Pinchard  proprio la metafisica è chiamata a dare forma allo scatenamento del divenire sotto le leggi della totalità: «En voulant  rompre avec la métaphysique de la cause au profit de l’Ereignis», Heidegger «nous laisse fondamentalement dépourvu devant le monde de la production concrète et de ses causes» (p. 24).
   In altre parole, Heidegger avrebbe avuto il merito di vedere come la razionalità moderna sia una «rationalité partielle», “fondata” sul concetto di produzione, ma non avrebbe compreso come questa parzialità  sia qualcosa che, lungi dall'appartenere al solo pensiero calcolante, qualifica la ragione in quanto tale. Motivo per cui, secondo Pinchard, rispetto a tale incompletezza, si tratta di «déterminer les mythes qui structurent un discours rationnel au-delà des raisons qu’il avance» (p. 37). - Qual è, dunque, il mito che sostiene la razionalità moderna?
  È a partire da queste premesse che può essere compresa l'originalità di un'opera complessa e articolata come Marx à rebours, un'opera polifonica, dai mille rimandi, capace di far dialogare Marx con pensatori come Vico, Rabelais, Hegel e Balzac. Infatti, il Marx di Pinchard non è il Marx messianico della vulgata militante o rivoluzionaria. Piuttosto, è un Marx metafisico e “mitologizzante”, vale a dire un Marx che rende possibile ciò che manca a Heidegger, e più in generale al pensiero contemporaneo “accademico” (dallo spiritualismo all'esistenzialismo, passando per la fenomenologia): «penser la totalité» (p. 47), vale a dire: pensare la potenza strutturante che unifica il mondo contemporaneo sotto il segno della totalità, ponendo le «catégories du monde moderne» e offrendo  «une vue logique sur les destructions en cours» (p. 10). In altre parole, Marx, con il Capital, «restitue une vision terrible, mais unifiée du present» (p. 191).
   Lungi dal lasciare queste distruzioni senza essenza e senza forma, Marx ci permette di comprendere la logica che le sostiene, motivo per cui si può interpretare il Capital – che «nous apprend à fonder notre discours sur le caractère substantiel de l’argent et [...] établit des règles de prédication à partir de ce fondement catégorial» – come «l’Organon d’une Métaphysique future qui tarde depuis plus d’un siècle» (p. 10).
    Quando Pinchard parla di metafisica in rapporto a Marx, occorre essere consapevoli che egli non sta affatto “rispolverando” delle banali tesi à la Popper. Leggere metafisicamente Marx, infatti, non significa compiere una qualche operazione di retroguardia o di restaurazione, quanto piuttosto riconoscere nella sua opera l'istanza metafisica del pensiero – istanza volta all'inversione delle posizioni rigide e fossilizzate per ricomprenderle alla luce delle leggi della totalità. Il problema sta evidentemente nell'articolazione dell'idea di totalità in un'epoca che sembra non volerne sapere. L'originalità della proposta teoretica di Pinchard sta probabilmente nell'aver risposto a tale problema convocando, nella sua interpretazione di Marx, l'idea di mito.
   Come è noto, l'individuazione del mito nella recezione di Marx non è nuova: da Sorel a Sartre, passando per Lenin, il marxismo è stato letto perlopiù come una mitologia per l'azione. Tuttavia, nota Pinchard, è in tutt'altro senso che nell'opera di Marx è presente la questione del mito. «J’appelle mythe chez Marx la capacité d’une illusion à se faire centre de toute manifestation. Marx a un autre nom pour dire ce mythe, c’est fétichisme. Mon Marx est le Marx du fétichisme» (p. 35).
  Il mito, secondo Pinchard, indica una struttura di linguaggio irriducibile all'intenzionalità umana, che non porta la ragione della propria esistenza con sé, ma che ordina la contingenza nel continuo di un mondo possibile, offrendo una serialità agli stati discreti della manifestazione. Se il mondo esclude ogni principio primo, esso deve avere almeno un mito che lo governi. Così, il grande merito di Marx starebbe nell'aver portato a coscienza di sé il mito che governa il mondo moderno, il mito del Capitale: «Ce mythe porte sa part de mort et de destruction, mais c’est lui qui donne sens aux actions des hommes aux prises avec la production et il devient la forme de totalisation de l’expérience à laquelle ils peuvent accéder» (p. 42).
   Ciò che sfugge alle letture militanti di Marx è che non si può leggere il mito a partire dall'uomo senza farne un'ideologia o una tecnica; al contrario, occorre pensare l'uomo a partire dal mito, una potenza impersonale capace di prendere coscienza di sé attraverso gli individui che ne sono investiti e che, al tempo stesso, diventano soggetti nella misura in cui partecipano a tale presa di coscienza del capitale: «Nous qui n’avons plus de révolution à prédire, mais seulement une suite ininterrompue de destructions, nous pouvons nous contenter de montrer comment le processus de l’argent résulte d’un rapport social inconscient qui prend la forme attirante d’une malédiction fondatrice dans laquelle chaque individu est appelé à se réaliser. Ainsi les individus ne deviennent-ils les sujets du libéralisme que par une adhésion commune aux prouesses mythologiques de l’or» (p. 35).
   Diversamente da quanto pensa Sartre, Pinchard ritiene che «le marxisme enseigne que c’est le capital qui fait le sujet, jamais la liberté» (p. 60). Per lo stesso motivo risultano inadeguati i tentativi di leggere Marx per mezzo della fenomenologia: tutti i concetti portanti della fenomenologia – intenzionalità, dono, epoché – rendono impossibile la tematizzazione di quello che riassume il fondamento mitologico del capitale: il feticismo del denaro. «L’argent est l’agent de dépersonnalisation. C’est par l’argent que la volonté des individus devient structure. C’est par l’argent que le procès, qui rassemble en lui tous les sujets, se fait sans sujet. Dans le capitalisme, nous entrons dans le royaume du SANS» (p. 92).
   Sul punto risultano decisive le illuminanti pagine che Pinchard dedica all'analisi della formula marxiana del plus-valore. Nello schema A-M-A' ci troviamo davanti al movimento infinito del denaro, che fa delle differenti determinazioni intramondane il mezzo del proprio auto-accrescimento. Tale movimento non lascia nulla fuori di sé, poiché parte dal denaro e termina nel denaro. In questo senso, lo schema A-M-A' rappresenta la vera prova ontologica, la logica propria del denaro in quanto causa sui e  «de toute existence» (pp. 11, 95, 111). «La Cause de soi introduite au coeur des analyses du Capital est donc ce module théologique qui commande non seulement aux illusions religieuses, mais encore, du même pas, aux formes du capital et aux formes de sa contestation» (p. 194).
   Ecco allora in che senso, per Pinchard, il Capitale è l'Organon della metafisica della distruzione di cui oggi abbiamo bisogno. Se al centro della metafisica è la questione dell'infinito, allora oggi più che mai diventa necessario avvicinare il mondo da un punto di vista metafisico: l'infinito si è effettivamente realizzato nel «mauvais infini du capital, [...] la répétition par laquelle A’ devient un nouveau A» (p. 96). L'infinito del mondo moderno è un infinito di distruzione, dal momento che, sotto la pressione della circolazione, tutte le strutture della realtà entrano in una distorsione permanente. «Cette fluidité c’est l’irruption de l’infini dans la circulation sociale» (p. 102). Il nostro quotidiano, i nostri affari, i nostri fini: tutto viene consumato – aufgehoben – in questo automovimento del Capitale, in questa «Harmonie préétablie de la destruction» (p. 155).
   Attenzione, però. Come l'Organon non risolve in sé la Metafisica, così Marx non rappresenta l'ultima parola della Metafisica della distruzione. Certo, Marx ci fa vedere il portato di distruzione dell'infinito in atto. Tuttavia, lo scambio mondiale, l'allargamento dei mercati fino a comprendere la Cina, ci pone di fronte all'urgenza di una questione che Marx non poteva affrontare: la questione di una lingua comune sottomessa alla metamorfosi infinita dei popoli e delle culture. Insomma, dopo Marx, sembra dirci Pinchard nelle pagine conclusive del suo potente lavoro, è giunto finalmente il momento di tornare a leggere Rabelais.
 
 
 
 



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